Manager par la « joie »

par | 18 Avr 2020

opus sur les émotions dans le management. Nous passerons du côté clair de la force en abordant la joie.

De nouvelles fonctions nées aux Etats-Unis et au Japon sont apparues depuis 2 ans en France : « Chief Happiness Officer » (« CHO »), ou encore « Responsable du bonheur » (une traduction qui prête à confusion de notre point de vue…). Une « Université du Bonheur au Travail » a même vu le jour sous l’impulsion du think-tank « La Fabrique Spinoza ». Le coût d’inscription à l’événement réparti sur trois jours (plus de 1 000€ pour les particuliers…) peut même laisser entrevoir qu’un véritable business de la « joie » en entreprise est en train de voir le jour (plusieurs formations et certifications CHO sont apparues ces derniers mois à Paris…). En tout cas, il semble que cette émotion soit en train de provoquer une révolution dans la manière d’envisager le management.

Cependant, il ne faut pas confondre l’émotion « joie » et le concept quasi philosophique de « bonheur ». C’est la condition pour intégrer la « joie » dans la palette d’émotions des managers et des CHO, pour en faire un antidote à la morosité, et un véritable outil de cohésion.

« Joie » et « bonheur », des faux jumeaux

« Le bonheur est futur et la joie est toujours actuelle dans la présence sereine » Réjean Bonenfant, écrivain québécois

Pour bien comprendre ce que représente l’émotion « joie » dans le cadre du management, il faut d’abord faire la part des choses. La « joie » n’est pas le « bonheur », même si ce dernier peut s’en nourrir.

Le « bonheur » comme état de sérénité constant est un idéal. La « joie » est de courte durée. Elle peut disparaître et réapparaître, rapidement, de manière alternative. On ne décrète pas l’état de « bonheur », et s’il concerne une seule personne dans un groupe, il y a peu de chance pour qu’il se répande instantanément au sein du collectif. La « joie » peut se cultiver, s’amplifier, transcender les individus et gagner tout un groupe. C’est une « émotion » de terrain, pratique et contagieuse.C’est bien ce qui fait sa force dans une perspective de cohésion…

De notre point de vue cette distinction est importante. En effet, le titre de « Responsable du Bonheur » est le résultat d’une traduction littérale de « Chief Happiness Officer ». « Happy » cela signifie d’abord « joyeux » en anglais. Un état émotionnel positif lui est attaché. Or, en français, le bonheur c’est beaucoup plus que ça. Il n’est pas une émotion. Il est l’expression d’une réussite dans tous les secteurs majeurs de notre existence : vie personnelle / vie professionnelle / amour / amitié / santé / argent etc… Etre « Responsable du bonheur » se serait donc porter la responsabilité de la satisfaction de tous ces paramètres de la vie pour l’ensemble des salariés de l’entreprise. Vue la taille du chantier, un « responsable du bonheur » ne pourrait donc que se retrouver dans une impasse…

« Joie » élixir de bonne santé du manager : la « Mudita »

« Trempez votre esprit à la joie et à la gaieté, ce qui empêche mille tracas et allonge la vie » William Shakespeare

Vous avez chaud partout, envie de rire, un sourire large et irrépressible sur le visage, du tonus, et une énergie à soulever des montagnes ? Pas de doutes, vous êtes en joie !

La joie peut être envisagée comme l’état naturel de l’être humain. Elle est la meilleure source de motivation. Elle est une des composantes essentielles de la santé physique.

C’est dans la joie que nous trouvons l’énergie pour avancer, faire des projets, et renforcer notre confiance en nous. Elle se traduit par un mouvement d’ouverture (« aller vers ») et un besoin de partager (« A shared joy is a double Joy », dit un proverbe anglais).

En entreprise, elle est associée à des événements heureux, telles qu’une promotion, une augmentation, la réussite d’un projet difficile, … Elle porte donc le message très simple et essentiel : « Sois content(e) de toi ! Savoures ! Tu peux te sentir bien et lâcher prise ! ».

Aux Etats-Unis, un nouveau terme a fait son apparition chez les chercheurs en management (« Harvard Business Review ») : la « Mudita ». Ce terme sanskrit désigne dans l’Hindouisme et le Bouddhisme, une « joie » sympathique, bienveillante et altruiste. Elle est provoquée par le succès et la réussite des autres. Elle est donc une alternative positive à la jalousie et à l’envie.

L’application des principes de psychologie positive favorise l’apparition de la « Mudita ». Voici quelques pistes à creuser :

  1. Découvrez et renforcez vos forces et talents.
  2. Célébrez vos accomplissements et vos progrès de manière collective.
  3. Ne tombez pas dans l’envie et dans la jalousie : connectez-vous à vous-même.

Que faire de la joie, quand elle est là ?

« Le rire est le chemin le plus court entre deux personnes »Charlie Chaplin

Vous n’avez pas besoin de nous pour savoir quoi faire avec la joie ! L’exprimer (comme pour toute émotion d’ailleurs) est la meilleure des choses à faire, tout en la partageant.

Ainsi, nous pouvons remercier les gens qui ont été à l’origine de notre réussite, ou qui nous ont aidé. La joie se transmet encore mieux avec la reconnaissance…

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L’expression la plus marquée de la « joie », le rire, a une action sur l’hypothalamus. Il va secréter des endorphines qui réduisent les excès d’adrénaline et de cortisol, les hormones du stress. Cela se traduit notamment par une récupération cardiovasculaire plus rapide, un élargissement de notre perception et de la vision périphérique. Le rire détend aussi l’atmosphère, facilite l’ouverture et la collaboration. Il crée une plus grande proximité, voir une alliance.

Enfin, la « joie » (modérée…) a un impact positif sur les facultés cognitives (capacité à s’engager dans une résolution plus créative des problèmes, un jugement plus efficace…).

Petite » restriction à l’usage immodéré de la joie : prendre une décision dans l’euphorie peut s’avérer… dangereux. Votre client vous appelle pour un contrat mirifique, et dans l’allégresse la plus totale vous signez sans sourciller. Et ce n’est qu’après que vous prenez connaissance des pénalités et autres clauses restrictives…

L’euphorie, comme toute émotion extrême, est mauvaise conseillère. Elle désactive le siège de la pensée rationnelle. C’est souvent dans l’équilibre des centres émotionnels et mentaux que l’on trouvera les réponses les plus adaptées.

La joie, votre prochain investissement ?

Trop souvent la joie se heurte à un discours qui renvoie vers une pseudo « réalité » de l’entreprise. Elle est parfois même perçue comme un signe d’immaturité et d’inconscience, car elle est souvent assimilée à un manque de professionnalisme et de sérieux.

Elle est pourtant un antidote très puissant au pessimisme tellement français, à la somatisation et à son cortège de « burnout », « bore out »… Il n’y a que dans la joie qu’on avance. Les autres émotions négatives (peur, colère, …) désactivent les centres créatifs du cerveau pour basculer dans des automatismes archaïques.

La « joie » est un levier de croissance et de progrès. Toutes les techniques de créativité reposent sur le jeu, sur le plaisir et la détente…

Comment faire ? Très simple : célébrez-vous les réussites ? Reconnaissez-vous les apports de chacun ? Partagez-vous vos grandes et petites joies ? Gardez-vous des temps de pauses joyeuses ? Cela ne vous coûtera rien ! Vous ferez même des économies avec la baisse des congés maladies…