Les émotions au cœur du leadership

par | 01 Mai 2020

XXI siècle le monde de l’entreprise a connu de nombreux bouleversements. Ils ne sont pas seulement liés à l’arrivée des nouvelles technologies. Les mentalités, elles aussi, ont évolué. Le dirigeant est descendu de son piédestal. La prise de conscience a été brutale. Elle s’est faite sous les coups de boutoir du « harcèlement », du « burn-out », du « brown-out » et autres entreprises libérées. Le manager va devoir puiser de nouvelles ressources du côté de ses compétences douces (« softs skills »), de la « pleine conscience » (« mindfulness ») et des dernières découvertes liées aux neurosciences…

 Aux outils « durs » de la gestion du XXeme siècle, il va pouvoir aussi s’appuyer sur les « outils « doux » telles que les émotions. Le management du XXI siècle sera côté cœur ou ne sera pas…

Au cœur de la relation, les émotions

« A quoi ça sert les émotions si on les garde pour soi tout seul ? »

Anna Gavalda

Définir le concept d’émotion relève de la gageure. Depuis Aristote, les philosophes, les psychanalystes et beaucoup d’autres ont tenté de poser le cadre.

Pour faire simple, une émotion est un sentiment associé à un ressenti. Elle est déclenchée à partir de nos schémas mentaux (filtres, projections, croyances…), et son apparition est plus ou moins incontrôlable. Un travail sur soi (thérapie, méditation, coaching…) en profondeur peut permettre d’en atténuer les effets, voire de l’utiliser à bon escient.

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Pendant longtemps, les émotions n’ont pas fait bonne figure dans le management. En France, la faute en revient sans doute à Descartes… Pendant des siècles, il nous a laissé croire qu’un choix ne pouvait se faire qu’à travers un entendement « éclairé », en mettant de côté les émotions.

Mais, depuis l’identification des neurones miroirs dans les années 90, on sait que l’empathie, et son cortège d’émotions, est une fonction intégrée et naturelle de l’être humain. Chacun d’entre nous a la capacité à percevoir et reconnaître les émotions d’autrui, de manière conscience et inconsciente. On peut donc considérer que les émotions représentent un « langage ». Il est émis et capté par tous. Il n’y a donc aucune raison de s’en priver pour manager et diriger.

Ne pas reconnaître ses propres émotions c’est de tout façon être condamné à les subir…

Créer un climat émotionnel propice au dépassement

« On ne fera jamais une bonne publicité en mettant en avant des caractéristiques techniques, des Go, des RAM, des tableaux, des comparatifs… Il faut transmettre une émotion. »

Steve Jobs 

Un leader est un être humain, et à ce titre est sujet à émotions. Son équipe est composée d’individus, eux aussi émetteurs et récepteurs d’émotions. Deux bonnes raisons de penser que les émotions font partie de l’écologie du management et des composantes inaliénables du leadership.

Un dirigeant peut affirmer haut et fort qu’il n’a pas peur, si ses émotions le trahissent et expriment le contraire, ses équipes auront du mal à s’engager à ses côtés. Au contraire, pour devenir crédible il doit reconnaître ses limites et les émotions qui vont avec. Il les assumera ouvertement pour les dépasser, et avoir une chance de rallier ses troupes…

En 1998, Didier Deschamps, alors capitaine de l’équipe de France de football, s’exprimait à propos de son « patron », Aymé Jacquet :

« Il y a toujours eu entre nous deux une relation privilégiée, une grande complicité… D’une manière générale il a toujours été à l’écoute de ses joueurs ».

Deschamps n’évoque ni le professionnalisme, ni les compétences techniques du sélectionneur. Il évoque avant tout des caractéristiques liées au champ émotionnel…

Le langage émotionnel s’adresse au cœur, à la profondeur de l’être humain. Il fait sens de manière instantanée. Il ne nécessite pas de grandes explications… C’est le ferment primordial de l’alliance et de la confiance qui va avec.

Les émotions pour nourrir l’action du leader

Quand le leadership est joué sur la double partition de la raison et de l’émotion, il est un moteur puissant qui donne à des hommes et à des femmes l’énergie nécessaire pour dépasser les limites du possible. ” Guillaume Poitrinal

Le leadership se définit notamment par la faculté de mobiliser à travers la capacité d’alliance du leader avec ses troupes et son pouvoir d’influence sur celles-ci. Les émotions constituent donc autant d’indicateurs à intégrer dans le tableau de bord du leader pour mesurer son alliance et son influence.

Il existe six émotions primaires qui participent depuis toujours à notre survie. Ce sont : la colère, le dégoût, la joie, la peur, la surprise et la tristesse.

Toutes ces nuances sont autant de signaux. Si nous prenons le soin d’observer et de reconnaître chacun d’entre eux, nous en apprendrons beaucoup sur nos rapports à l’environnement et aux autres. Nous aurons accès à des ressources supplémentaires qui deviendront du carburant pour défendre nos convictions avec intelligence et souplesse, se mettre en action et emmener les autres…

Pour les neurosciences les émotions ne sont pas seulement des indicateurs. Elles nourrissent des capacités maîtresses :

Créativité et intuition

Par un alignement corps-coeur-esprit, auquel concourent les émotions, les intuitions apportent de vraies réponses. Le leader coupé de ses émotions, est donc privé d’une partie de ses ressources.

Capacité de mémorisation

Plus l’émotion est forte, plus la mémoire est ancrée… C’est d’ailleurs ce qui explique l’extraordinaire force des émotions négatives. Il est vital pour l’individu et son espèce de se souvenir des sources de dangers.

Capacité de prise de décision

Une part, plus ou moins importante, de la décision échappe totalement à toute prévision. C’est le fameux « flair ». Par ailleurs, la bonne décision, est simplement « celle que l’on est « capable d’assumer », car pleinement intégrée …

 Les émotions sont la potion « magique » du leader

« Le leader doit savoir susciter les motivations et entraîner ceux qui le suivent bien plus que les diriger de manière autoritaire » Claude Levy-Leboyer

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Se relier à ses émotions permet aussi de grandir, et peut-être, de passer de la catégorie de manager à celle de leader. En effet, la capacité de remise en cause, l’accueil de la critique, la reconnaissance de ses limites et la proximité avec ses équipes sont la marque de fabrique du leader, la classe au-dessus du manager…

Mais au fait, quelle est l’émotion la plus utile au leader ? La passion peut-être… mais cela relève d’un autre article. A suivre, donc !